Le Corbeau freux (Corvus frugilegus), parfois simplement appelé « freux », est l’une des quatre espèces européennes du genre Corvus, de la famille des Corvidae. Les corbeaux freux sont des passereaux omnivores qui nichent en colonies.
Le corbeau de grande taille dénommé C. frugilegus frugilegus au bec prononcé et au plumage noir d’un éclat métallique est commun dans une large bande de territoires depuis l’Europe de l’Ouest jusqu’au plateau de l’Altaï. L’habitat de la deuxième sous-espèce, C. frugilegus pastinator, recouvre l’aire orientale de l’espèce et s’étend jusqu’au Pacifique. Elle est un peu plus petite que le freux occidental, et son plumage tire sur le brun-violet.
Ce passereau mesure de 40 à 47 cm et pèse 380 à 520 g pour une envergure de 77 à 90 cm et une longévité de 20 ans. Le freux possède une robe tout à fait caractéristique, mais on peut cependant confondre les oisillons avec les corneilles (C. corone corone) dont la taille est proche. Le plumage des plus grands freux est d’un noir uniforme, avec un éclat légèrement violet-bleuâtre. Selon l’éclairage, la crête et la nuque offrent des reflets verts ou violet métallique. La base du bec du freux adulte est dénudée, légèrement creusée et blanchâtre, alors que chez l’oisillon elle est encore duveteuse. Le bec est pointu, légèrement recourbé vers le bas et plus fin que celui de la corneille. En vol, le freux se distingue nettement de la corneille par ses ailes plus larges et plus fortement articulées. Son vol est gracieux, et les coups d’aile sont plus furtifs que chez C. c. corone. Mâle et femelle sont rigoureusement identiques (pas de dimorphisme sexuel) et vivent en colonies (très) bruyantes ; les oisillons atteignent en l’espace de huit mois leur taille adulte.
Le croassement
On dit que le freux croaille, croasse ou graille. Au plan du comportement social, le corbeau freux est plutôt loquace et use de nombre de croassements différents, qu’il est parfois réellement difficile de distinguer de ceux d’une corneille. Le croassement le plus fréquent est « Kah » ou bien « Krah », avec des intonations assez variables ; il est souvent employé comme rituel de reconnaissance entre partenaires. Dans une situation d’agression le croassement sera plus long et plus aigu : « krèèèèh ». Au printemps en outre, les croassements les plus longs se mêlent d’un roucoulement adouci (kiou, kiou). Les poussins et les oisillons poussent eux-mêmes des cris forts, leurs grincements sont bien audibles. En grandissant, ils en viennent à articuler une ébauche de ce qui deviendra un croassement : « Rrrah ».
Répartition
Le corbeau freux prospère des îles Britanniques aux steppes du plateau de l’Altaï en passant par la France et le nord de l’Espagne. Il est absent de Suisse méridionale, d’une grande partie de l’Autriche et de l’Italie. Au nord, les populations atteignent le Danemark et la Suède méridionale ; au sud-est les côtes de la mer Noire et de la mer Caspienne. Pendant les mois d’hiver, l’espèce colonisera en outre le long des côtes norvégienne jusqu’au tropique du Cancer, dans une grande partie des Balkans et de la Turquie. Le freux a été acclimaté avec succès en Nouvelle-Zélande, où il bénéficie même depuis des décennies du statut d’espèce protégée, bien que les populations continuent d’y être énergiquement décimées.
Habitat
C. frugilegus fréquente le plus souvent les champs et prairies ouverts, parsemés d’arbres, de bosquets ou de petites forêts. Il est commun dans les régions aménagées pour l’agriculture. Il apprécie particulièrement les espaces verts, qui présentent des caractéristiques communes avec les terres agricoles. Il préfère les régions de plaine et de collines, et évite la montagne. La végétation ne doit pas être trop haute pour qu’il puisse y chercher sa nourriture en sécurité, bien qu’il adapte son comportement lorsque l’herbe a poussé. Il n’est pas farouche vis-à-vis de l’homme, et de nombreuses colonies de freux vivent et se reposent au voisinage immédiat des lotissements, souvent aussi dans les jardins publics des grandes villes, où leurs cris aigus et leurs excréments parsemant les trottoirs et carrosseries de véhicule sont ressentis comme une nuisance.
Le corbeau freux a bruyamment investi les arbres des parcs et des espaces verts des villes. Plusieurs facteurs expliquent son repli vers les aires urbaines : la tempête de 1999 a détruit les bosquets où il nichait habituellement. Comme pour l’homme, la ville constitue pour le freux un lieu de ralliement pour passer la nuit en groupe, après une journée de recherche de nourriture dans les régions environnantes. D’autre part, les arbres des villes, notamment les platanes, sont parmi les arbres les plus hauts dans certaines régions, et sont protégés du vent et du froid par les bâtiments environnants.
L’abattage des arbres en bord de route le pousse à gagner les cités.
Dans certaines métropoles d’Europe, les corbeaux freux ont formé des colonies hivernales d’une taille impressionnante (comme par exemple à Vienne avec environ 250 000 individus). Les freux des villes ont un comportement particulier, adapté à la proximité de l’homme : la distance de vol à proximité des passants descend à moins d’un mètre, et l’abondance relative de nourriture diminue nettement la durée de la période d’activité. À l’instar de la mouette rieuse, plusieurs colonies d’hivernage s’installent à proximité des dépôts d’ordures et des déchèteries. Les jets de nourriture par l’homme ont aussi contribué au développement de ces énormes concentrations d’oiseaux ; à cet égard, le freux s’avère volontiers casanier : on a pu suivre des individus qui revenaient tous les ans dans la même arrière-cour ou le même coin de jardin public.
Les habitants se plaignent de son croassement strident, des poubelles crevées, des déjections corrosives sur les carrosseries.
Pour lutter contre sa prolifération, les villes ont plusieurs stratégies :
- effarouchement par rayon laser (ou haut-parleur)
- taille automnale des grands arbres
- démontage des nids.
- Alimentation et chasse
Comme toutes les espèces de corbeaux (Corvus), le freux est omnivore. Bien qu’il préfère la nourriture carnée aux végétaux, ces derniers représentent les deux tiers de son alimentation. Les lombrics, diverses espèces de cousins, les scarabées à leur différents stades de développement (surtout les chenilles et les larves de taupins) ainsi que les gastéropodes sont ses proies favorites. Mais il ne dédaigne pas les mammifères comme le campagnol des champs (les musaraignes) et le campagnol terrestre, voire occasionnellement, mais à vrai dire rarement, de petits oiseaux et leur couvée. L’hiver il peut se rabattre sur les charognes, mais ne peut s’en contenter, concurrencé qu’il est par la corneille noire. En ce qui concerne les végétaux, il consomme des graines de toutes sortes, où cependant les céréales dominent. Il se nourrit aussi de noix et de glands, à moindre échelle de fruits comme les cerises, les prunes et les baies sauvages. L’alimentation des oisillons est pour l’essentiel d’origine carnée mais pas exclusivement.
Le mot désignant le genre « corbeau » (Corvus) renvoie au nom latin de la corneille. L’adjectif frugilegus, formé sur frux, frugis (f.) = fruit et sur le verbe legĕre = assembler, cueillir apparaît chez Ovide (Métamorphoses 7, 624) pour qualifier les industrieuses fourmis. Ainsi on peut traduire le nom scientifique du freux par « corneille cueilleuse de fruits ». L’adjectif pastinator de la sous-espèce orientale C. frugilegus pastinator signifie littéralement « fléau des vignobles ».
L’anglais crow< anglo-saxon *hrôc, comme le mot allemand Krähe < haut-allemand *krâe ou *krâwe < proto-germanique *khrokaz, ou le vieux norrois hrôkr (d’où vient l’anglais rook), est le nom le plus usuel de cette espèce. Il renvoie par onomatopée à la transcription du croassement rauque de cet animal, Kraah ou Krèèèh.