L’Hirondelle de fenêtre (Delichon urbicum) est une espèce de passereaux de la famille des Hirundinidae qui niche en Europe, en Afrique du Nord et en Asie tempérée, et qui hiverne en Afrique subsaharienne et en Asie tropicale. Elle a la tête et les parties supérieures bleutées, le croupion blanc et les parties inférieures d’un blanc pur, et occupe à la fois les paysages ouverts et les environs des habitations humaines. Elle ressemble fortement aux deux autres espèces du genre Delichon, qui sont endémiques de l’Est et du Sud de l’Asie, l’Hirondelle de Bonaparte (D. dasypus) et l’Hirondelle du Népal (D. nipalense). L’Hirondelle de Pallas (D. lagopodum), sous-espèce asiatique de l’Hirondelle de fenêtre, est parfois considérée comme espèce à part entière.
Comme son nom l’indique, l’Hirondelle de fenêtre fait souvent son nid au-dessus d’une fenêtre, dans les gîtages d’une charpente ou sur d’autres structures artificielles. Le nid est une coupe fermée, à l’entrée exiguë, placée sous les avant-toits ou des endroits similaires sur les bâtiments, souvent en colonies, et constituée à partir de petites boules de boue conglomérées. Cette hirondelle se nourrit d’insectes qu’elle attrape en vol, et migre pour assurer son alimentation.
L’Hirondelle de fenêtre nichait à l’origine sur des falaises et dans des grottes, et certaines colonies nichant sur les falaises existent encore, construisant leurs nids en dessous d’un rocher en surplomb. Elle utilise aujourd’hui communément les structures humaines telles que les ponts et les maisons. Contrairement à l’Hirondelle rustique, elle niche à l’extérieur des bâtiments habités, plutôt qu’à l’intérieur des granges ou des étables. Les nids sont construits à la jonction d’une surface verticale et un surplomb, par exemple sous les corniches ou les avant-toits des maisons, comme sur les génoises de sorte qu’ils peuvent être renforcés par l’attachement aux deux plans.
Les oiseaux nicheurs retournent en Europe entre avril et mai, et la construction dunid commence entre la fin mars en Afrique du Nord et la mi-juin en Laponie. Le nid est une coupe convexe nettement fermée fixée au-dessous d’un rebord approprié, avec une ouverture étroite dans sa partie supérieure. Il est construit par les deux partenaires avec des boulettes de boue recueillies dans leurs becs, et il est tapissé d’herbes, des cheveux ou d’autres matériaux moelleux.
Bien que l’Hirondelle de fenêtre soit chassée par le Faucon hobereau (Falco subbuteo), ses compétences aériennes lui permettent d’échapper à la plupart des prédateurs. Elle est le plus vulnérable au sol lors de la collecte de boue. C’est donc une activité collective, avec des groupes d’oiseaux descendant brusquement ensemble sur les flaques de boue.
Cet oiseau compte puces et acariens parmi ses ectoparasites, dont Ceratophyllus hirundinis, et aussi des parasites internes, comme l’endoparasite Haemoproteus prognei vecteur du paludisme aviaire, transmis par des insectes hématophages, dont les moustiques Une étude polonaise a montré que les nids contenaient généralement plus de 29 spécimens d’ectoparasites, avec C. hirundinis et Oeciacus hirundinis étant les plus abondants.
L’hirondelle de fenêtre se rencontre dans toute l’Eurasie et la moitié de l’Asie (sauf dans l’extrême nord de la Sibérie) et en Afrique du Nord-Ouest. Les sous-espèces de l’Ouest nichent à travers l’Eurasie tempérée, à l’est jusque vers le centre de la Mongolie et le fleuve Ienisseï, ainsi qu’au Maroc, en Tunisie et dans le Nord de l’Algérie. Elles migrent pour passer l’hiver en Afrique subsaharienne. La sous-espèce D. u. lagopodum niche vers l’est de l’Ienisseï jusqu’à la Kolyma et au sud jusque dans le Nord de la Mongolie et celui de la Chine ; elle hiverne dans le sud de la Chine et en Asie du Sud-Est
Elle habite des habitats ouverts similaires sur les aires d’hivernage, mais elle est moins visible pendant ces périodes que l’Hirondelle rustique, tendant à voler plus haut et étant plus nomade. Dans les régions tropicales de ses quartiers d’hiver, comme en tre est une migrante qui se déplace sur un large front : les oiseaux européens ne convergent pas vers des lieux où le vol est plus facile comme le font les grands oiseaux planeurs, mais traversent directement la mer Méditerranée et le Sahara. Ils migrent en continuant à se nourrir d’insectes en vol, et ils se déplacent généralement en plein jour, bien que certains oiseaux puissent le faire la nuit. La migration présente certains risques ; en 1974, plusieurs centaines de milliers d’oiseaux de cette espèce ont été trouvés morts ou mourants dans les Alpes suisses et les régions avoisinantes, piégés par de fortes chutes de neige et de basses températures. La survie des adultes lors de la migration d’automne dépend principalement de la température, les précipitations étant un autre facteur important. Pour les juvéniles, les basses températures lors de la saison de reproduction sont plus déterminantes. Il est possible que, avec les conditions météorologiques extrêmes qui deviendront plus fréquentes avec le réchauffement climatique, le taux de survie dépende davantage à l’avenir de conditions météorologiques défavorables.
L’Hirondelle de fenêtre retourne à ses aires de reproduction quelques jours après les premières Hirondelles rustiques ; comme cette espèce, en particulier lorsque les conditions météorologiques sont mauvaises, elle se rend rarement directement aux sites de nidification, mais préfère chasser sur de vastes étendues d’eau douce. Il a été rapporté des individus séjournant en Namibie et en Afrique du Sud pour se reproduire au lieu de repartir vers le Nord. Comme cela est fréquent pour un migrant de longue distance, l’espèce est erratique en Alaska et à l’ouest de Terre-Neuve, aux Bermudes et aux Açores.
L’Hirondelle de fenêtre est scientifiquement décrite par le naturaliste suédois Carl von Linné en 1758 dans son Systema naturæ, sous le protonyme Hirundo urbica. Elle est déplacée vers un nouveau genre, Delichon, par l’entomologiste britannique Frederic Moore et le naturaliste américain Thomas Horsfield en 1854. Delichon est une anagramme du mot de grec ancien χελιδών (chelīdōn), qui signifie « hirondelle », et urbicum signifiant « urbain, de la ville » en latin. La dénomination spécifique est longtemps restée urbica même après le changement de genre, ce qui correspondait alors à une erreur en grammaire latine ; en 2004 l’accord est pris en compte. Les plus proches parents de l’Hirondelle de fenêtre sont les deux autres membres du genre, l’Hirondelle de Bonaparte (D. dasypus) et l’Hirondelle du Népal (D. nipalense).
Le genre Delichon a récemment divergé du genre Hirundo de l’Hirondelle rustique (H. rustica), et ses trois membres sont d’apparences semblables, avec les parties supérieures bleues, un croupion blanc contrastant et des parties inférieures blanches. Dans le passé l’Hirondelle de fenêtre était considérée comme conspécifique avec l’Hirondelle de Bonaparte, qui se reproduit dans les zones montagneuses du centre et de l’Est de l’Asie et qui hiverne en Asie du Sud-Est ; elle ressemble aussi beaucoup à l’Hirondelle du Népal, un résident annuel des montagnes du sud de l’Asie. Bien que ces trois espèces se ressemblent, seule D. urbicum a le croupion et les parties inférieures d’un blanc pur.
Selon le Congrès ornithologique international34 et Alan P. Peterson il existe trois sous-espèces :
- Delichon urbicum urbicum (Linnaeus, 1758) est la sous-espèce type, représentant les populations occidentales. On la trouve dans toute l’Europe jusqu’à l’ouest de la Sibérie ;
- Delichon urbicum meridionale (Hartert, 1910) est décrite par l’ornithologue allemand Ernst Hartert en 1910 à partir d’un spécimen algérien, se trouve autour de la mer Méditerranée, en Afrique du Nord et dans le sud de l’Europe jusqu’au centre sud de l’Asie. Les différences avec la sous-espèce type forment un cline et la validité de cette sous-espèce est donc discutée ;
- Delichon urbicum lagopodum (Pallas, 1811), est décrite par le zoologiste Peter Simon Pallas, vit dans l’Est de l’Asie.
Il est probable que les ancêtres des Hirondelles de fenêtre contemporaines nichaient en colonies dans les falaises qu’elles ont quittées au profit des architectures humaines ; il est d’ailleurs toujours décrit des groupes nichant dans les anfractuosités de parois rocheuses dans les régions les plus sauvages
C’est une espèce qui a historiquement grandement bénéficié du déboisement et de la création d’habitats ouverts, et des habitations humaines qui lui fournissent une abondance de sites de nidification sûrs fabriqués par l’Homme. Vers la fin du XXe siècle, sa population européenne était estimée entre 29 et 72 millions d’individus, et sa population mondiale pourrait être comprise entre 60 et 288 millions d’oiseaux. La tendance démographique mondiale ne peut être quantifiée, mais des preuves de fluctuations et de chutes d’effectifs existent. Par manque d’information sur toute son aire de répartition (plus de 16 millions de kilomètres carrés), l’espèce est évaluée comme de « préoccupation mineure » (LC) sur la liste rouge de l’UICN depuis 2004, et n’a pas de statut spécial pour la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) qui réglemente le commerce international des animaux et des plantes sauvages.
Se nourrissant d’insectes volants (dont les moustiques) l’espèce a généralement été bien tolérée par l’humain quand elle partage ses bâtiments pour la nidification. Mais l’accumulation de fientes sous les nids conduit parfois à des destructions de nids par l’Homme, bien qu’il suffise de poser une planchette sous les nids pour remédier à cet inconvénient
Comme pour la plupart des oiseaux, les populations peuvent localement fluctuer en raison d’une période de mauvais temps, suite à l’empoisonnement par les pesticides agricoles, par manque de boue pour la construction du nid et peut-être par concurrence avec le Moineau domestique.
Mais depuis les années 1970, des déclins généralisés d’effectifs nicheurs (localement alarmants, allant jusqu’à une totale disparition) sont signalés dans le centre et le Nord de l’Europe selon Birdlife International (dont en France selon Dubois & al. en 2008)(ex : chute de 60 % des effectifs en région PACA de 2001 à 2008 selon les résultats du programme STOC). En 2009, la population d’Hirondelle de fenêtre de Sheffield, ville anglaise d’un demi-million d’habitants, était encore estimée à 12 353 individus. En France, l’espèce a connu un déclin régulier (-41 % de 1989 à 2009) sur tout le territoire avant que les effectifs tendent à se stabiliser au début des années 2010 (MNHN, 2013). Les conditions météorologiques sur les quartiers d’hivernage ou de reproduction ne peuvent expliquer ce déclin à long terme ; ces causes sont donc à rechercher en Europe avec notamment un manque de sites de nidification et de ressource alimentaire de qualité.
Cette espèce ne bénéficie pas à son endroit de la richesse des références littéraires comme l’Hirondelle rustique, mais il est possible que certaines mentions de ce dernier oiseau puissent aussi bien se référer à l’Hirondelle de fenêtre. William Shakespeare décrit clairement l’Hirondelle de fenêtre dans Macbeth, par la bouche de Banquo qui attire l’attention de Duncan sur ces oiseaux et leurs nids au château de Macbeth :
« Cet hôte de l’été, le martinet, habitant des temples, cherchant en ces lieux son séjour favori, prouve que l’haleine des cieux les caresse avec amour. Pas une corniche, pas une frise, pas un créneau, pas un seul angle commode où cet oiseau n’ait suspendu son lit et le berceau de ses enfants. Partout où ces oiseaux nichent et abondent, j’ai remarqué que l’air est toujours pur. »
— William Shakespeare, Macbeth, Acte I, Scène VI, traduction de François Guizot.
De vieilles légendes racontent que l’Hirondelle de fenêtre tue les moineaux en fermant l’entrée de son nid avec de la boue quand l’intrus est à l’intérieur, ou en se rassemblant en masse pour tuer l’oiseau. Le martlet de l’héraldique britannique semble se référer à l’Hirondelle de fenêtre, ou peut-être à une autre hirondelle. C’est un oiseau avec des touffes de plumes courtes à la place des pattes, marque de brisure du quatrième fils d’une famille noble, et élément de plusieurs armoiries, dont celles des Plantagenêt. L’absence de pattes représente l’incapacité de l’oiseau à se poser à terre, ce qui explique le lien avec les jeunes fils, également sans terres ; l’oiseau représente également la rapidité. Dans le Midi de la France, l’expression « Esarabi-a coume un barbajoou » signifie « gai comme une Hirondelle de fenêtre »