L’Hirondelle rustique (Hirundo rustica) est une petite espèce de passereau migrateur vivant en Europe, en Asie, en Afrique et en Amérique. Elle est également connue sous le nom d’Hirondelle de cheminée ou d’Hirondelle des granges. Elle se distingue par sa longue queue fourchue et sa gorge couleur rouge brique. Elle niche dans un nid fait de terre séchée et de salive pour coller les bouts de terre, accroché sous un toit, une poutre, aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur, en ville ou à la campagne, souvent dans des granges ouvertes, et parfois dans les maisons ouvertes. Elle se nourrit essentiellement d’insectes attrapés en vol.
Il existe six sous-espèces d’Hirondelle rustique, se reproduisant toutes dans l’hémisphère nord. Quatre d’entre elles sont migratrices, et hivernent dans l’hémisphère sud, dans des régions parfois très éloignées comme l’Argentine, la province du Cap en Afrique du Sud ou le nord de l’Australie. Du fait de sa large distribution géographique, l’Hirondelle rustique n’est pas menacée.
L’Hirondelle rustique est un oiseau qui aime les paysages ouverts et qui utilise généralement les constructions humaines pour confectionner son nid. Commensale, elle s’est vraisemblablement beaucoup développée avec l’expansion humaine. Cette espèce vit en association avec l’homme qui la tolère dans les bâtiments car il la considère utile puisqu’elle se nourrit d’insectes nuisibles. D’anciennes superstitions concernant cet oiseau et son nid ont également contribué à la faire accepter. La littérature et la religion font souvent référence à l’Hirondelle rustique et cet oiseau qui vit proche de l’homme le fascine par ses habitudes migratoires. L’Hirondelle rustique est l’oiseau national de l’Estonie.
Le nom du genre Hirundo signifie hirondelle en latin. Elle est parfois appelée Hirondelle de cheminée en France, car il lui arrivait fréquemment de bâtir son nid dans les cheminées fumoirs, comme elle le fait toujours en Bretagne. De même, sa dénomination courante anglaise Barn swallow (littéralement « hirondelle des granges ») fait référence à son habitude de nicher dans ce type de bâtiment.
L’Hirondelle rustique mâle adulte, appartenant à la sous-espèce H. r. rustica, mesure 17 à 19 cm de long, dont 2 à 7 cm de plumes allongées de la queue. Elle a une envergure de 32 à 34,5 cm, pour un poids de 16 à 22 grammes. La silhouette fine et élancée de cette hirondelle la rend aisément reconnaissable. On remarque sa queue largement échancrée, très effilée aux deux extrémités et ornée d’une petite rangée de taches blanches visibles en vol. Les deux rectrices situées sur les bords de la queue et nettement plus longues que les autres sont appelées filets. Le dessus, de la tête à la queue, est bleu sombre et présente un éclat métallique certain. La gorge, les joues et le pourtour du bec sont rouge brique, soulignés par une bande pectorale bleu sombre, et le dessous de l’oiseau est blanc crème avec des reflets roux. La calotte et la nuque sont bleu-noir, le tour des yeux est noir, tout comme les yeux, les courtes pattes, les doigts et le bec. Ce dernier est fin et court. À la différence des autres hirundinidés, son croupion n’est pas marqué de blanc.
La femelle est semblable au mâle, mais ses filets sont plus courts, le bleu du dessus et de la poitrine est moins glacé, et le dessous est plus pâle. Les jeunes sont plus ternes, avec une tête d’un roux plus pâle et un dessous plus blanc. Il leur manque également les longues plumes caudales de l’adulte.
Le chant de l’Hirondelle rustique est un gazouillement grasseyant mais néanmoins mélodieux, qui se termine souvent par un grincement. Les cris comprennent des witt ou des tsvitt souvent répétés et un bruyant splee-plink quand elle est excitée. Le cri d’alarme est constitué d’un tranchant siflitt pour des prédateurs comme les chats, et d’une répétition de tsivitt rapidement enchaînés pour les oiseaux de proie.
L’Hirondelle rustique a un comportement similaire à celui des autres insectivores aériens, comme notamment les autres hirondelles et les apodidés (martinets). Elle se nourrit généralement à 7 ou 8 mètres au-dessus du sol ou d’eau peu profonde, suivant souvent les animaux, les hommes ou les machines agricoles pour attraper des insectes perturbés. Il lui arrive également d’attraper des proies juste à la surface de l’eau, sur des murs ou sur des plantes. Dans les zones de reproduction, les grosses mouches représentent 70 % de son régime alimentaire, dans lequel les pucerons et les papillons de jour et de nuit tiennent également une place importante. Toutefois, en Europe, l’Hirondelle rustique consomme moins de pucerons que l’Hirondelle de fenêtre ou l’Hirondelle de rivage. Pendant l’hiver, les hyménoptères, et spécialement les fourmis volantes, sont une ressource alimentaire importante. Quand elle couve ses œufs, l’Hirondelle rustique chasse par deux, mais peut parfois former de grands groupes.
L’Hirondelle rustique s’abreuve au vol, recueillant l’eau dans sa bouche ouverte lorsqu’elle vole à très basse altitude, rasant les lacs ou les rivières. L’oiseau se baigne de la même façon, plongeant un instant dans l’eau tandis qu’il vole.
Les hirondelles se regroupent en large communauté, comprenant parfois des centaines d’individus, lorsque la saison de reproduction est terminée. Elles se rassemblent notamment pour passer la nuit dans des roselières, volant au-dessus pendant un moment avant de descendre dans les roseaux. Les roselières constituent une importante source de nourriture pour les hirondelles avant et pendant la migration. En effet, bien que l’Hirondelle rustique peut se nourrir au vol durant le voyage, les roselières leur permettent de constituer des réserves de graisses indispensables au vu de la durée du voyage.
Elle ne vole pas particulièrement vite, avec une vitesse estimée à 39 km/h, pouvant atteindre 72 km/h, et une fréquence de 5 battements d’ailes par seconde, pouvant atteindre 7 à 9 battements par seconde, mais sa queue fourchue lui confère l’agilité nécessaire pour se nourrir d’insectes au vol. Elle collecte sa nourriture en décrivant des cercles ou en volant très près du sol. Son vol gracieux est ponctué de virevoltes.
L’Hirondelle rustique mâle rejoint l’aire de reproduction avant les femelles, va choisir le site de nidification, et en avertit ensuite les femelles en décrivant des cercles dans le ciel et en chantant. Le mâle séduit la femelle par la longueur de ses filets. En termes de biologie de l’évolution cela s’explique par le fait que les mâles qui ont les plus longs filets sont généralement plus résistants aux maladies et vivent plus longtemps, et les femelles ont donc un intérêt indirect dans ce choix : les mâles vont certainement transmettre leur plus grande résistance à leur progéniture. On observe d’ailleurs qu’en Europe du Nord les mâles ont des filets très longs alors qu’il y a peu de différences entre ceux du mâle et de la femelle plus au sud. Cette différence est par exemple de 5 % en Espagne quand elle atteint 20 % en Finlande. Au Danemark, la longueur moyenne de la queue du mâle a augmenté de 9 % entre 1984 et 2004, mais cette évolution pourrait changer avec le réchauffement climatique si les étés deviennent chauds et se
Les mâles aux plus longs filets ont également de plus gros points blancs sur la queue, et comme le pou des oiseaux préfère les plumes blanches, la présence de gros points blancs dénués de parasites indique la qualité du reproducteur. Il y a d’ailleurs une corrélation positive entre la taille des taches blanches et le nombre de descendants par saison.
Mâles et femelles défendent leur nid, mais le mâle se montre particulièrement agressif et territorial. Une fois un couple formé, il reste uni pour la vie, mais les copulations extraconjugales sont fréquentes, en faisant une espèce génétiquement polygame bien que socialement monogame. Les mâles surveillent néanmoins leurs femelles pour éviter cela. Ils peuvent employer des cris d’alarme pour empêcher la copulation de leur femelle avec un autre mâle.
L’Hirondelle rustique niche généralement dans des bâtiments accessibles comme les granges, les étables, ou sous les ponts. Le nid en forme de demi-coupe, qui a un diamètre de 22 cm pour 11 cm de profondeur, est adossé à une solive ou à un quelconque autre élément vertical. Avant que les constructions humaines ne deviennent très courantes, l’Hirondelle rustique nichait sur la paroi de rochers ou dans des grottes, mais cela devient rare. Le nid est bâti par le mâle et la femelle, plus souvent par la femelle seule, avec des morceaux de boue qu’elle malaxe pour former de petites boules, et consolidés avec des herbes, de la paille, des algues ou d’autres matériaux. Si les conditions sont favorables, la construction du nid dure environ huit jours. L’analyse d’un nid a révélé qu’il contenait 212 g de terre séchée liée par pas moins de 2 224 radicelles et quelques brins d’herbe. 1 100 voyages ont été effectués pour le bâtir. Une fois le nid terminé, il est garni de plumes et de duvet, les hirondelles récupérant souvent des plumes de poule, afin de lui donner un aspect plus douillet. Il arrive que les moineaux essaient de s’approprier le nid des hirondelles, en les chassant ou en s’y installant avant leur arrivée. L’Hirondelle rustique peut parfois nicher en colonies si suffisamment de sites de nidification sont à disposition, et au sein d’une colonie le couple défend un territoire qui s’étend à 4 à 8 m2 chez la sous-espèce européenne. La taille des colonies est plus importante en Amérique du Nord.
La femelle pond entre 2 et 7, généralement 4 ou 5, œufs blancs à petits points roux et gris. Les œufs mesurent entre 20 et 14 mm, pour un poids de 1,9 g, dont 5 % de coquille. En Europe, la femelle effectue presque toute la couvaison, mais en Amérique du Nord le mâle peut couver pendant 25 % du temps. L’incubation dure entre 14 et 19 jours, au cours desquels la femelle maintient la température des œufs constante, en évitant qu’ils se refroidissent mais également parfois qu’ils se réchauffent, lorsque le nid est placé sous des tôles très exposées par exemple. Des femelles ont ainsi été observées s’humidifiant le ventre pour rafraîchir leurs œufs. Après l’éclosion, il faut encore 18 à 23 jours pour que les oisillons quittent le nid. Pendant ce temps, ils sont nourris par leurs parents qui leur amènent régulièrement des insectes, qu’ils agglutinent dans leur bec quand ils chassent. Ils peuvent apporter ainsi une vingtaine d’insectes à la fois, et répètent leurs allées et venues jusqu’à 400 fois par jour. Les jeunes hirondelles atteignent leur poids maximum vers le treizième jour, et pèsent alors environ 22 g. Ce poids se réduira un peu par la suite lorsqu’ils formeront leurs plumes. À partir du quinzième jour, les oisillons n’ont plus besoin de leurs parents pour maintenir leur température constante, et ceux-ci ne les abritent plus que pendant la nuit. Après 18 à 23 jours passés au nid les oisillons vont pouvoir le quitter. Pour les inciter, leurs parents cessent de les nourrir, puis leur tendent des insectes et lorsque les hirondeaux se sont suffisamment approchés du bord, ils lancent des cris d’alerte qui les font chavirer dans le vide. Là, battant leurs ailes par réflexe, ils prennent alors leur premier envol. Les jeunes oisillons qui commencent à quitter le nid vivent avec leurs parents, qui continuent à les nourrir pendant environ une semaine. Occasionnellement, les jeunes de la première couvée aident à nourrir ceux de la seconde. Au bout de 35 jours, les jeunes sont totalement indépendants.
Il y a en général deux couvées par an, voire trois, un même nid accueillant plusieurs couvées la même année, et étant réparé pour être réutilisé les années suivantes. 90 % des œufs éclosent, et 70 à 90 % des oisillons peuvent prendre leur envol. La mortalité moyenne la première année est de 70 à 80 %, et de 40 à 70 % pour un adulte. La mortalité des jeunes peut être aggravée par des conditions climatiques difficiles. En effet, s’il fait trop froid, les insectes se font rares, et dans ces conditions les parents n’arrivent pas toujours à subvenir aux besoins des oisillons, notamment après leur dixième jour. Bien que la longévité puisse atteindre 11 ans, la plupart des hirondelles ne vivent pas au-delà de 4 ans.
L’hirondelle chasse les intrus tels que les chats qui s’approchent à proximité de leur nid, volant très près d’eux pour les effrayer. Les adultes ont peu de prédateurs, même s’ils peuvent parfois être victimes de faucons ou de chouettes. Le moineau représente un de ses principaux concurrents, et il arrive que des moineaux s’emparent du nid d’hirondelles, et en expulsent les oisillons pour s’y installer. Les lérots, les chats et les fouines sont des prédateurs potentiels au cours de la couvée. Le parasitisme de couvée par le vacher en Amérique du Nord et le coucou en Europe est rare. En Amérique du Nord, l’Hirondelle rustique développe parfois une relation de mutualisme avec le balbuzard. Elle bâtit son nid à côté du sien et bénéficie ainsi de sa protection, cet oiseau se nourrissant exclusivement de poisson. Par ailleurs les balbuzards sont avertis de la présence de prédateurs par les cris d’alarme des hirondelles.
L’Hirondelle rustique, tout comme d’autres oiseaux, présente souvent des trous dans les plumes des ailes et de la queue. Ces trous sont liés à la présence de poux aviaires de la famille des Menoponidae, comme Machaerilaemus malleus ou Myrsidea rustica, bien que d’autres espèces soient incriminées comme celles du genre Brueelia. Il existe plusieurs espèces de poux dont la présence a été confirmée chez l’hirondelle, comme Brueelia domestica et Philopterus microsomaticus. Au Texas, Oeciacus vicarius, qui est commun chez les espèces telles que l’Hirondelle à front blanc (Petrochelidon pyrrhonota), infeste également les Hirondelles rustiques.
Du fait des importants risques que comporte leur longue migration annuelle, la longévité des hirondelles est assez courte. Ainsi, elles ne vivent généralement que de 2 à 4 ans, voire un peu plus, rarement jusqu’à 8 ans. L’Hirondelle rustique la plus vieille qui a été rencontrée avait atteint l’âge de 15 ans, en Angleterre. Une autre aurait vécu 14 ans et a été enregistrée en Alsace de manière un peu mieux documentée.
C’est une vision de plus en plus rare, depuis la régression de cette espèce dans les années 1960-1970
L’aire de reproduction de l’Hirondelle rustique englobe quasiment toute l’Amérique du Nord et l’Eurasie, ainsi qu’une partie du Nord de l’Afrique et du Moyen-Orient. Elle hiverne en Amérique du Sud, en Asie du Sud, en Micronésie, en Indonésie, en Afrique ou en Australie, suivant son lieu de reproduction. On compte environ 190 millions d’Hirondelles rustiques dans le monde.
L’Hirondelle rustique préfère les zones ouvertes à végétation basse, comme les prairies, les bocages, les marais, les parcs et les jardins, notamment lorsqu’il y a une source d’eau à proximité, car elle s’abreuve en vol. Cette hirondelle évite les zones boisées, trop accidentées ou trop densément peuplées. C’est une espèce commensale de l’homme et la présence de constructions accessibles comme les granges ou les étables pour y bâtir son nid, et de perchoirs bien exposés comme des fils, des branches nues ou des arêtes de toits est également importante pour l’hirondelle lors de son choix d’un site de reproduction.
Elle se reproduit dans l’hémisphère Nord, à une altitude variant entre le niveau de la mer et 2 700 m, voire 3 000 m dans le Caucase et en Amérique du Nord, où elle est absente uniquement des déserts et des territoires les plus septentrionaux. Elle évite généralement les villes, où elle cède sa place à l’Hirondelle de fenêtre (Delichon urbicum). Toutefois, à Honshū, l’Hirondelle rustique est un oiseau urbain tandis que l’Hirondelle rousseline (Cecropis daurica) est présente dans les campagnes.
En hiver, l’Hirondelle rustique est moins difficile quant au choix de son habitat, évitant seulement les déserts et les forêts denses. Elle est commune dans les zones à végétation basse comme les savanes, et au Venezuela, en Afrique du Sud et à Trinité-et-Tobago, elle apprécie particulièrement les champs de canne à sucre récoltés ou brûlés. Chaque oiseau a tendance à revenir au même lieu d’hivernage d’une année sur l’autre et à se rassembler en larges communautés. L’une d’entre elles, au Nigeria, a été estimée à 1,5 million d’oiseaux. On pense qu’il s’agit d’un moyen de lutte contre les prédateurs, et l’arrivée des ces communautés est liée à celle de son principal prédateur qu’est le Faucon de Cuvier (Falco cuvieri). L’Hirondelle rustique a été observée nichant dans certaines zones tempérées de ses régions d’hivernage comme les montagnes thaïlandaises ou celles du centre de l’Argentine.
La migration des hirondelles est longtemps restée méconnue. Ainsi, on a longtemps cru, comme le pensait Aristote au IIIe siècle av. J.-C., que cet oiseau passait l’hiver dans la vase. Cette croyance est en partie liée à l’habitude de cet oiseau de passer la nuit dans des roselières. Ce n’est que vers la fin du XVIIIe siècle que le naturaliste Buffon remet en cause cette théorie pour commencer à envisager que les hirondelles vont passer l’hiver plus au sud, là où le climat est plus clément.
La migration d’Hirondelles rustiques entre la Grande-Bretagne et l’Afrique du Sud a été établie le 23 décembre 1912, lorsqu’un oiseau bagué par James Masefield sur son nid est retrouvé au Natal. Cet oiseau effectuant de très longues migrations a été observé ponctuellement à Hawaii, aux Bermudes, au Groenland, à Tristan da Cunha et aux îles Malouines.
Les hirondelles se rassemblent en groupes pouvant parfois compter plusieurs milliers d’individus à l’automne avant de partir hiverner vers le sud. Durant leur migration, les hirondelles volent de jour à basse altitude, afin de se nourrir durant le voyage. De nombreuses hirondelles meurent de faim ou d’épuisement durant ce périple, dont la traversée du Sahara représente une des principales difficultés pour les hirondelles européennes.
L’Hirondelle rustique est présente partout en Europe, à l’exception de l’Islande. Les effectifs sont actuellement en régression un peu partout en Europe, à l’exception des pays d’Europe de l’Est. Ils sont également stables en Angleterre, alors qu’ils déclinent fortement aux Pays-Bas. Selon le European Bird Cencus Council, la population européenne est en déclin modéré et a baissé de près de 20 % entre 1980 et 2005, avec de très fortes variations selon les années, dont des pointes de population à presque + 20 % en 1989 et 1997.
Elle est la plus répandue des cinq espèces d’hirondelles nichant eFrance, et la onzième espèce d’oiseau la plus répandue du pays. On peut la rencontrer un peu partout dans le pays, à l’exception des zones d’altitude : elle s’aventure rarement au-dessus de 1 700 m. Présente en France du mois d’avril au mois de septembre, elle migre ensuite vers l’Afrique subsaharienne. Ses réserves en graisse lui procurent une autonomie de soixante heures de vol pour traverser, d’une traite, la Méditerranée ou le Sahara. Chaque année, quelques individus passent l’hiver en France, réussissant à survivre, si l’hiver est suffisamment clément.
On rencontre les hirondelles dans la majeure partie de l’Asie. Elles se reproduisent à la belle saison, de la Russie (à l’exception de la Sibérie) et de la Corée au nord jusqu’au Moyen-Orient et à la Chine. L’hiver, elles migrent vers l’Inde, l’Indonésie et l’ensemble de l’Asie du Sud-Est, allant même jusqu’en Australie. Les hirondelles du Moyen-Orient choisissent souvent de partir plutôt vers l’Afrique.
L’Hirondelle rustique est décrite pour la première fois par le naturaliste suédois Carl von Linné dans son Systema Naturae en 1758 sous le nom scientifique Hirundo rustica, et caractérisée comme « H. rectricibus, exceptis duabus intermediis, macula alba notatis » (« Hirondelle dont les rectrices sont marquées d’une tache blanche, à l’exception des deux plus centrales »). Hirundo signifie hirondelle en latin, tandis que rustica signifie « de la campagne ». Cette espèce est la seule du genre Hirundo à avoir une large aire de répartition en Amérique, alors que la plupart des espèces sont originaires d’Afrique.
Il y a peu de problèmes de taxonomie à l’intérieur du genre, mais l’Hirondelle de Guinée (Hirundo lucida), qui vit en Éthiopie, dans le bassin du Congo et en Afrique de l’Ouest, a été pendant un temps considérée comme une sous-espèce d’Hirondelle rustique. Elle est un peu plus petite que celle-ci, a une bande bleue plus fine à la poitrine et l’adulte a des plumes plus courtes à la queue. Au vol, on peut également s’apercevoir que son ventre est un peu plus pâle.
Six sous-espèces d’Hirondelle rustique sont généralement reconnues. Toutefois, d’autres ont été identifiées dans l’Est de l’Asie, comme H. r. saturata par Robert Ridgway en 1883, H. r. kamtschatica par Benedykt Dybowski en 1883, et H. r. mandschurica par Wilhelm Meise en 1934. Devant les incertitudes qui entourent ces sous-espèces, c’est la classification de Turner et Rose, largement reconnue, qui est indiquée ici.
- H. r. rustica, qui se reproduit en Europe et en Asie, entre le cercle polaire au nord, le Nord de l’Afrique, le Moyen-Orient et le Sikkim au sud et le fleuve Ienisseï à l’est. En hiver, elle migre vers l’Afrique, la péninsule arabique et le sous-continent indien. Les hirondelles qui hivernent en Afrique du Sud viennent de toute l’Eurasie depuis des longitudes pouvant atteindre 91°E, et ont parcouru jusqu’à 11 660 km lors de leur migration.
- H. r. transitiva est décrite par Ernst Hartert en 1910. Elle se reproduit au Moyen-Orient, du sud de la Turquie à Israël, et y reste parfois l’hiver, bien que certains oiseaux migrent vers l’Afrique de l’Est pour l’hiver. Elle a le dessous du corps rouge-orangé et une bande cassée à la poitrine.
- H. r. savignii vit toute l’année en Égypte. Elle est décrite par James Stephens en 1817 et nommée en l’honneur du zoologiste français Jules-César Savigny.
- H. r. gutturalis, décrite par Giovanni Antonio Scopoli en 1786, a le dessous du corps blanchâtre, et une bande pectorale cassée. La poitrine est couleur noix, et le reste du dessous du corps tire vers le rose chamoisé. Elle se reproduit du centre et l’est de l’Himalaya jusqu’au Japon et la Corée, puis migre pour hiverner à travers l’Asie tropicale, depuis l’Inde et le Sri Lanka jusqu’à l’Indonésie et la Nouvelle-Guinée à l’est. Un nombre croissant d’entre elles hivernent en Australie. Elle peut s’hybrider avec H. r. tytleri au niveau du fleuve Amour. On pense que les deux sous-espèces asiatiques étaient autrefois séparées, mais l’expansion des sites de nidification que sont les habitations humaines a permis à leurs aires de répartition de se rejoindre. H. r. gutturalis se rencontre occasionnellement en Alaska et dans l’État de Washington, mais on la distingue facilement de la sous-espèce nord-américaine, H. r. erythrogaster, par le dessous du corps rougeâtre de cette dernière
- H. r. tytleri, décrite pour la première fois par Thomas Caverhill Jerdon en 1864, et nommée en l’honneur du soldat, naturaliste et photographe britannique Robert Christopher Tytler, a le dessous de la tête orange-rouge profond, et une bande pectorale incomplète. Sa queue est également un peu plus longue. Elle se reproduit en Sibérie et au Nord de la Mongolie, et passe l’hiver de l’est du Bengale à la Thaïlande et la Malaisie.
- H. r. erythrogaster, la sous-espèce nord-américaine, a été décrite par Pieter Boddaert en 1783, et diffère de la sous-espèce européenne par son dessous du corps plus rouge et sa bande pectorale plus fine et souvent incomplète. Elle se reproduit en Amérique du Nord, de l’Alaska au sud du Mexique, et migre pour l’hiver vers les Antilles, le Costa Rica, Panama et l’Amérique du Sud.
Des analyses d’ADN ont montré que les Hirondelles rustiques nord-américaines avaient colonisé la région du lac Baïkal en Sibérie, inversement aux migrations qui s’opèrent habituellement entre l’Amérique du Nord et l’Eurasie.
L’Hirondelle rustique peut s’hybrider avec l’Hirondelle à front blanc (Petrochelidon pyrrhonota) et l’Hirondelle à front brun (P. fulva) en Amérique du Nord, ainsi qu’avec l’Hirondelle de fenêtre en Eurasie, ce dernier cas étant le cas d’hybridation le plus courant chez les passereaux.
L’Hirondelle rustique est un oiseau attrayant dont la présence dans les bâtiments est tolérée par l’homme car elle se nourrit d’insectes. Elle est également perçue comme un des premiers signes de l’arrivée du printemps car c’est une des premières espèces migratrices à revenir d’hivernage. En Europe, l’Hirondelle rustique utilise les constructions humaines pour bâtir son nid depuis très longtemps, comme en témoigne Virgile dans ses Géorgiques en 29 avant J.-C. : « … ante/garrula quam tignis nidum suspendat hirundo » (« … avant que la gazouillante hirondelle suspende son nid aux chevrons »). On pense qu’elle a commencé à attacher son nid aux habitations des Indiens d’Amérique au début du XIXs siècle, et la multiplication des implantations humaines a conduit à une véritable explosion du nombre d’hirondelles à travers l’Amérique du Nord.
Le réchauffement climatique peut également affecter l’Hirondelle rustique. En effet, les sécheresses provoquent chez elle des pertes de poids et ralentissent la reconstitution de ses plumes, et le Sahara, par son extension, pourrait devenir un obstacle de plus en plus difficile à franchir pour les oiseaux en migration. Les étés chauds et secs engendrent une diminution des insectes disponibles. Le froid provoque les mêmes effets, et une brusque chute des températures peut conduire les hirondelles à sacrifier leur progéniture, celle-ci mourant alors de faim. En revanche, des printemps plus doux peuvent conduire à allonger la saison de reproduction et donc le nombre de couvées. La possibilité de nicher en dehors des bâtiments dans le nord de son aire de répartition peut aussi conduire à multiplier le nombre d’oisillons.
Dans la littérature, il est souvent fait référence à l’Hirondelle rustique, qui symbolise traditionnellement l’arrivée du printemps. C’est déjà le cas dans le poème en latin Pervigilium Veneris. Dans The Waste Land, T. S. Eliot en cite la ligne « Quando fiam uti chelidon [ut tacere desinam]? » (« Quand serais-je comme l’hirondelle, et pourrais-je alors cesser d’être silencieux ? »). Cela fait référence à une version du mythe de Philomèle selon laquelle elle fut changée en rossignol et sa sœur Procné en hirondelle ; certaines versions inversent les deux espèces. L’image du grand rassemblement des hirondelles avant leur migration vers le sud conclut l’ode To Autumn de John Keats.
L’Hirondelle rustique est aussi mentionnée dans la Bible, bien qu’elle puisse avoir été confondue avec les martinets lors des traductions, ou avec d’autres espèces d’hirondelles d’Israël. Toutefois, la phrase : « Yea, the sparrow hath found her a house, And the swallow a nest for herself, where she may lay her young » (« Oui, le moineau a trouvé sa maison, et l’hirondelle son nid, où elle dépose ses petits ») issue du psaume biblique 84:3, s’applique certainement à l’Hirondelle rustique.
William Shakespeare cite à plusieurs reprises l’hirondelle dans ses œuvres, notamment pour la rapidité de son vol ; par exemple, on peut lire « True hope is swift, and flies with swallow’s wings… » (« Le véritable espoir est rapide, et s’envole le temps d’un battement d’aile d’hirondelle ») dans l’acte 5 de Richard III ou « I have horse will follow where the game Makes way, and run like swallows o’er the plain » (« J’ai un cheval qui suivra le gibier où il ira, et qui court dans la plaine aussi vite qu’une hirondelle ») dans le second acte de Titus Andronicus. Shakespeare se réfère également à la migration saisonnière de l’espèce dans l’acte 4 de The Winter’s Tale : « Daffodils, That come before the swallow dares, and take The winds of March with beauty » (« les jonquilles, qui arrivent avant que les hirondelles ne l’osent, et prennent le vent de mars avec beauté »).
Gilbert White a étudié l’Hirondelle rustique en détail dans son ouvrage The Natural History of Selborne, mais même cet observateur attentif n’était pas parvenu à établir avec certitude si cette espèce migrait ou hibernait durant l’hiver. Ses longs voyages sont aujourd’hui bien connus partout dans le monde, et les tatouages représentant des hirondelles sont populaires dans le monde maritime comme un symbole de retour sauf. La tradition veut qu’un marin se fasse tatouer une hirondelle après 5 000 milles marins (9 260 km) parcourus en mer, et une seconde après 10 000 milles marins (18 520 km).
Dans le passé, la tolérance envers cet insectivore bénéfique était renforcée par de multiples superstitions concernant la destruction de son nid. Un tel acte était réputé conduire les vaches à donner du sang plutôt que du lait, ou pas de lait du tout, et les poules à arrêter de pondre. Ce facteur a pu avoir un rôle dans la longévité des nids d’hirondelles. Ceux-ci, après quelques restaurations annuelles, sont fréquemment utilisés pendant 10 ou 15 ans, un exemple de nid occupé pendant 48 ans ayant été rapporté