La Pie bavarde (Pica pica), est l’une des grandes espèces de corvidés les plus connues. Elle est aussi connue sous le nom d’ageasse ou agasse (dialecte poitevin), agache (en picard) ajaça (occitan limousin) dans le sud-ouest de la France, ou encore d’agace (agaça) en Provence. Les pies peuvent aisément être identifiées grâce à leur morphologie et à leur plumage noir et blanc caractéristique. Il existe 13 sous-espèces de pie bavarde.
En Europe, dans un contexte de changement écologique rapide des paysages (remembrements agricoles, intensification agricole, perte de naturalité des paysages ruraux, artificialisation des sols agricoles et des lisières forestières, fragmentation écopaysagère, usage croissant de pesticides…) – pour une partie des populations de laridés ou l’étourneau sansonnet – les ornithologues assistent depuis la fin du XXe siècle à un net changement de comportement, de démographie et dynamique des populations et d’habitat et répartition spatiale chez cette espèce. En Europe de l’Ouest, et notamment en France, elle tend à fortement régresser dans les campagnes et à devenir plus urbaine et péri-urbaine. Cela modifie l’écologie de l’espèce via les phénomènes de compétition, prédation, ressources alimentaires, piégeage qui la concernent, en suscitant des controverses sur le statut à accorder à l’espèce en ville, dans le cadre de l’écologie urbaine ou dans les milieux ruraux où elle est encore fréquemment piégée et tuée, comme d’autres corvidés dans les campagnes alors qu’elle y a beaucoup régressé et qu’à ce jour, « l’impact écologique de la pie n’a jamais été prouvé sérieusement bien qu’il soit la principale justification du contrôle des populations ». C’est une espèce qui fait preuve de capacités d’adaptation à l’anthropisation des paysages, mais non au piégeage (F. Chiron a « montré que la régulation en France était une cause majeure du déclin des effectifs »). De plus, des expériences scientifiques d’évaluation des impacts du piégeage (dit « retrait expérimental ») de pies ont montré que ce piégeage n’avait pas d’effets positifs marqués sur la communauté des oiseaux considérés comme « victimes » de la prédation des pies.
La pie bavarde arbore un plumage noir sur le dessus du corps, au niveau de la tête, de la poitrine et de la partie sous-caudale, et blanc au niveau du ventre, des flancs, des rémiges primaires et à la base des ailes. Le plumage noir montre des reflets métalliques, bleuâtres sur les ailes, violacés sur le corps et la tête, et verdâtres sur la queue, dus à une iridescence des plumes. Le bec est noir, de même que les pattes et l’iris des yeux.
Cet oiseau d’assez grande taille (de 44 à 56 cm de longueur) est doté d’une longue queue (de 20 à 30 cm). L’envergure varie de 52 à 60 cm et le poids de 190 à 250 g. Le mâle est légèrement plus grand que la femelle, mais il n’existe pas de réel dimorphisme sexuel chez cette espèce. La coloration des ailes peut donner une indication de l’âge de l’individu.
Sa durée de vie est de 15 ans, ce qui est un score moyen (pour un oiseau) mais sa longévité maximale connue est de 21 ans et 8 mois.
Selon un suivi basé sur 536 adultes bagués, le taux annuel de survie des adultes a été estimée à 0.70.
La survie juvénile (survie la première année de vie) varie plus fortement selon les années et les contextes. Il a été estimée à 0.22
Comme pour beaucoup d’autres espèces dites « banales » et proches de l’Homme, bien que cet oiseau ait été très commun dans toute l’Europe, qu’il ait imprégné l’imaginaire collectif (contes, chansons, histoires et anecdotes) et qu’il présente`, comme tous les corvidés un intérêt éthologique manifeste en raison d’importantes facultés d’apprentissage et d’adaptation, il a peu été étudié avant les années 1980 où une importante monographie (« The magpies ») a été publiée par Tim Birkhead (1991).
Son vol semble parfois incertain (en feston) mais en ligne droite ; sa marche est un peu saccadée, avec souvent la queue levée et par succession de petits bonds.
La pie bavarde est omnivore : son régime alimentaire peut varier, mais est essentiellement constitué :
- d’invertébrés (vers, limaces, insectes…) qui constituent plus de 80 % de l’alimentation des jeunes et des adultes (Balança 1984), et près de 100 % de celle des poussins ;
- de fruits et graines diverses ;
- d’œufs (pris dans les nids de passereaux) ;
- de poussins d’autres oiseaux (2 % du régime alimentaire au printemps/été) ;
- détritus d’origine humaines (surtout en ville, où elle a parfois appris à percer les sacs poubelles) ;
- charognes (ex : animaux écrasés sur les routes) ;
- petits vertébrés, occasionnellement (petits rongeurs, dont le campagnol, lézards : moins de 1 % des proies) ;
Comme d’autres corvidés, la pie bavarde, de nature grégaire (en particulier l’hiver), est une espèce bruyante et peu farouche qui aime à vivre dans le voisinage de l’Homme et semble apprécier, et de plus en plus, nicher près des habitations et dans les espaces verts où elle atteint ses plus fortes densités. Elle semble y trouver des habitats ouverts et faciles à prospecter (pour la nourriture) et peut-être une protection contre les rapaces et prédateurs.
Si elle sait être méfiante et discrète en cas de danger, c’est également un oiseau extrêmement curieux et attiré par les objets brillants ; ce comportement est sans doute à l’origine de sa réputation de voleuse.
En milieu urbain, la pie semble encore plus sédentaire : les données récentes de Seine-Saint-Denis ont confirmé le caractère exceptionnel des déplacements de pies entre espaces verts (« Sur près de 500 pies baguées en 3 ans dans les parcs de Seine-Saint-Denis, seulement 4 ont été revues dans des parcs différents du lieu de leur baguage. Aucune ne fut contrôlée ou retrouvée morte en dehors des parcs. »).
On pourrait penser ou espérer que les excédents de populations urbaines puissent réalimenter les populations rurales, mais les données de baguage et 16 ans de suivi STOC montrent que non. L’hypothèse que des individus ruraux investissent les zones urbanisées demande à être mieux étudiée, mais est parfois contestée ou ne concernerait qu’un nombre d’individus assez faible.
Le territoire d’un couple de pie s’étend sur 1 à 2 hectares en ville, mais peut être chevauché par d’autres territoires de pies, notamment dans les parcs urbains. Il peut atteindre 4 à 5 ha en moyenne dans des habitats plus naturels. Dans tous les cas, cette aire peut être parfois partagée avec d’autres couples ou avec des pies non reproductrices. Cette territorialité est l’un des facteurs d’autorégulation des populations (Wilson 1975). Dans un parc urbain, les pies adultes qui ne trouvent plus de place pour fonder un couple ne se reproduisent pas. Ainsi, selon l’importance des populations, ce sont de 5 à 60 % des effectifs adultes qui ne participent pas à la reproduction. Ces pies (ainsi que les jeunes de l’année déjà indépendants) ne sont pas occupées à la surveillance du nid et des petits et elles sont bien plus mobiles, pouvant prospecter des zones atteignant 18 ha. Elles peuvent occasionnellement remplacer l’un des membres d’un couple (Newton 1998).
Les pies ne migrent qu’exceptionnellement mais quelques déplacements de plusieurs centaines de kilomètres ont été mis en évidence par le suivi d’individus bagués lors de grandes vagues de froid en ex-URSS et quelques observations montrent de possibles traversées de la Méditerranée.
Dès février, chaque couple défend un territoire et construit un ou plusieurs nids, le plus souvent en hauteur et près du tronc dans des arbres, occasionnellement plus bas (buissons). D’autres supports peuvent être adoptés (pylônes en particulier). Un seul nid recevra la ponte. Le nid, qui comporte en son centre une coupe de terre gâchée, est constitué de branchettes et renforcé de crins et de brindilles ; dans la plupart des cas, il est surmonté par une sorte de dôme. Parfois, le nid est en outre décoré d’objets brillants par lesquels la pie bavarde est attirée . Sa forme, ronde ou ovoïde, peut être confondue de loin avec une boule de gui.
La femelle pond de trois à dix œufs qu’elle couve seule durant un peu moins de trois semaines. Après l’éclosion, les petits restent au nid durant quatre semaines environ. Ils sont nourris par les deux parents. La pie bavarde ne se reproduit qu’une fois par an – sauf pontes dites de remplacement, à la suite d’échec de la nidification.
De manière générale, la qualité du territoire semble moins importer pour le succès de reproduction que l’état de santé du couple et la compétence du mâle pour apporter de la nourriture au nid
La pie bavarde a une longévité moyenne de 16 ans
Le comportement maternel de la Pie femelle peut être détourné par le Coucou geai qui est un parasite spécialisé dans les nids de corvidés; Le nid de pie est le plus choisi par le coucou épeiche (Clamator glandarius) pour y déposer ses œufs.
La pie bavarde, Pica pica, d’origine holarctique est commune dans toute l’Europe mais aussi en Asie, au nord-ouest de l’Afrique et en Amérique du Nord. L’espèce est plutôt sédentaire mais vagabonde en petits groupes en hiver.
Elle est nettement plus rare ou absente en altitude (ex : rare au-dessus de 1 000 m en Rhône-Alpes) et est curieusement absente en Corse alors que des individus traversent parfois la Méditerranée. Elle est incluse dans les 30 espèces d’oiseaux les plus répandus en France mais elle est en France plus rare ou absente dans certaines zones chaudes et/ou montagneuses (Alpes Maritimes, Savoie ou en Aquitaine où les monocultures de pins ne semblent pas lui convenir.
La pie bavarde affectionne particulièrement les lieux riches en bosquets, les petits bois ainsi et – de plus en plus – les parcs et jardins des zones urbaines, les délaissés routiers et autoroutiers. Dans son aire de répartition, on la retrouve donc dans tous les types de milieux à l’exception des forêts denses. Elle est négativement affectée par la fragmentation écologique des paysages. Elle bénéficie par contre des opérations de rénovations urbaine et de la périurbanisation qui lui offrent des paysages ouverts de parcs arborés.
Dans la seconde moitié du XXe siècle, la pie tend non pas à déserter les habitats ruraux profonds au profit des espaces verts urbains mais à avoir un taux de fécondité et de survie plus élevés en ville qu’à la campagne, comme on le note aussi pour d’autres corvidés. les données récentes disponibles confirment que « les fortes densités de pies en ville sont très probablement la conséquence de processus locaux combinant une meilleure fécondité à une meilleure survie des individus et non pas le résultat de déplacements d’individus ».
Son statut actuel en France est celui d’Espèce commune, en déclin.
Ses vocalisations fréquentes ont donné naissance à l’expression bavarde comme une pie. La curiosité de cet oiseau a donné l’expression curieux(se) comme une pie.
De plus les actions de piégeage, même massives se montrent souvent sans effet à moyen ou long terme, avec des effets possibles de piège écologique ; par exemple, en Seine-Saint-Denis, bien qu’aucune preuve scientifique n’étayait un impact de la pie dans les parcs urbains, sur l’intuition que leur présence pouvait affecter les populations de passereaux, 774 pies furent tuées dans les espaces verts départementaux de 1998 à 2001 (soit 13 % du prélèvement annuel régional), malgré cela, les effectifs de pies n’ont aucunement baissé. Des approches de gestion intégrées, plus interdisciplinaires et incluant l’écoéthologie et les sciences humaines et sociales sont donc recommandées par les spécialistes. Il s’agit notamment de mieux comprendre et utiliser les déterminants des patrons de distribution et des dynamiques d’évolution de la pie (ressources, piégeage, compétition, parasitisme, régulation par les pathogènes, « seuils d’autorégulation et de stabilisation des effectifs »).
La première description dans la littérature scientifique a été réalisée par Carl von Linné en 1758, sous le nom Corvus pica. Le genre Pica fut créé par Brisson en 1760, et l’espèce fut finalement rebaptisée Pica pica.
Selon le Handbook of the Birds of the World, il existe 10 sous-espèces de Pie bavarde :
- Pica pica anderssoni Lönnberg, 1923, qui vit dans le sud-est de la Russie (Kraï du Primorie) et tout au nord-est de la Chine et de la Corée.
- Pica pica bactriana Bonaparte, 1850, qui se trouve de la Sibérie jusqu’au lac Baïkal vers l’est et, vers le sud, jusqu’au sud du Caucase, en Irak, en Iran et au Pakistan.
- Pica pica bottanensis Delessert, 1840, qui vit à l’ouest de la Chine (Qinghai, Sichuan, région autonome du Tibet) et au Bhoutan.
- Pica pica camtschatica Stejneger, 1884, qui vit dans l’Extrême-Orient russe, du nord de la mer d’Okhotsk jusqu’au Kamchatka.
- Pica pica fennorum Lönnberg, 1927, qui se trouve du nord de la Scandinavie jusqu’à l’ouest de la Sibérie.
- Pica pica leucoptera Gould, 1862, qui vit en Russie (Transbaïkalie), en Mongolie et au nord-est de la Chine (Mongolie-Intérieure et Heilongjiang).
- Pica pica mauritanica Malherbe, 1845, qui se trouve en Afrique du Nord (Maroc, Algérie et Tunisie).
- Pica pica melanotos A. E. Brehm, 1857, qui se cantonne à la péninsule Ibérique.
- Pica pica pica (Linnaeus, 1758), dont l’aire de répartition s’étend du sud de la Scandinavie jusqu’à la Méditerranée en incluant les îles Britanniques, et jusqu’en Europe de l’Est.
- Pica pica serica Gould, 1845, qui vit à l’est et au sud de la Chine, à Taïwan, et dans le nord de la Birmanie, du Laos et du Viêt Nam.
Selon la même source, d’autres sous-espèces décrites ne seraient pas valides, telles que :
- Pica pica galliae et Pica pica germanica, incluses dans Pica pica pica
- Pica pica kot, Pica pica laubmanni et Pica pica hemileucoptera, incluses dans Pica pica bactriana
- Pica pica japonica, Pica pica amurensis et Pica pica jankowskii, incluses dans Pica pica anderssoni
- Pica pica hainana et Pica pica alashanica, incluses dans Pica pica serica.