La Sarcelle d’hiver (Anas crecca) est la plus petite espèce de canards de surface elle se rencontre en Europe, Amérique du Nord et aussi en Asie. Dans ces régions, elle vit dans les zones tempérées à septentrionales. C’est un migrateur partiel, elle est chassée en grand nombre en Europe et en Amérique du Nord. La population nord-américaine est considérée par certains ornithologues comme une espèce à part, la sarcelle à ailes vertes et par d’autres comme une sous-espèce.
Cette sarcelle est le plus petit canard de surface européen et américain ; son poids d’adulte varie en effet de 250 à plus de 400 grammes. Mâles et femelles sont de petite taille, de 35 cm de longueur (31 à 39 cm), avec une envergure de 53 à 59 cm.
La présence d’un miroir vert (côté interne) et noir (côté externe) sur l’aile, encadré par des bandes blanches (devenant jaunâtres vers l’intérieur), est un trait caractéristique de cette espèce. Le ventre est blanc. Le dessous de l’aile présente un centre clair, bien visible en vol. Le bec, au bout arrondi, est assez étroit. Les pattes grisâtres sont palmées et adaptées à la vie aquatique. L’iris, de couleur marron, a un diamètre de 8 millimètres.
Cette espèce présente un net dimorphisme sexuel durant la période de reproduction. Le plumage nuptial apparaît graduellement chez le mâle à partir du mois d’octobre et il est conservé entre l’hiver (parades nuptiales) et l’été (séparation des couples de l’année). Les jeunes mâles acquièrent le plumage nuptial dès leur premier hiver. Le plumage du mâle se distingue alors par une tête très colorée, brun rouge, presque rousse, et barrée d’une bande verte iridescente finement soulignée de crème, qui rend impossible une erreur d’identification. Le mâle des populations américaines présente une barre blanche verticale sur l’épaule, alors que celui des populations européennes présente une barre blanche horizontale sur le bord de l’aile. Un autre signe distinctif visible à grande distance est la présence d’une tache triangulaire jaunâtre au niveau du croupion, encadrée de noir, visible en toutes circonstances. Le corps est gris, finement strié de gris foncé plus larges sur le dos et les ailes. La poitrine est souvent d’une couleur différente, plus claire et roussâtre, pointillée de taches sombres. Le bec est gris-noir.
Le reste de l’année, le mâle est aussi terne que la femelle : on parle de plumage éclipse.
La femelle, d’un marron pommelé assez terne, ressemble à la femelle de sarcelle d’été, espèce un peu plus grande qui, elle, hiverne en Afrique. Elle porte sur le bord de la queue une courte ligne blanche. Le bec est gris foncé et le dessus de la tête est parfois plus sombre. L’œil est souvent barré d’une ligne sombre alors que deux bandes beige jaunâtre soulignent l’œil de la femelle de sarcelle d’été.
Les juvéniles ressemblent à la femelle adulte. Les canetons en duvet ressemblent aux canetons du canard colvert, bien qu’ils soient plus petits que ces derniers : le dessous est jaune, et le dessus brun-noir, avec quelques taches jaunes : la grande tache du côté de la tête est, comme chez le caneton colvert, barrée d’une fine ligne sombre arquée allant du bec à la nuque ; mais contrairement au caneton colvert, il présente en plus un cercle sombre en forme de lunettes autour de l’œil, ainsi qu’une bande sombre allant de la commissure des lèvre à l’arrière de la joue, juste en dessous de la fine strie barrant l’œil
Les sarcelles d’hiver ne plongent pas entièrement pour se nourrir, mais elles peuvent le faire pour se protéger d’un prédateur. Maladroites sur terre, elles ont un vol agile et rapide, mené avec beaucoup d’énergie. Elles sont capables de décoller très rapidement, et d’effectuer de brusques changements de direction et des pirouettes. Toutes ces prestations sont possibles grâce à une musculature puissante, et elles permettent à ces oiseaux d’échapper aux prédateurs aériens. C’est aussi le seul canard capable de se gratter en vol. La petite taille de cet oiseau, la rapidité et l’agilité du vol, ainsi que la façon de piquer vers le sol pour atterrir, font que le vol de la sarcelle d’hiver ressemble à celui d’un limicole.
Assez grégaire et ne présentant pas de comportement territorial, la Sarcelle d’hiver a tendance à se réunir et à voler en petits groupes. Lors de la migration, cet oiseau vole en nuée pouvant aller jusqu’à un millier d’oiseaux ; il existe une grande coordination entre les membres de la nuée.
Les Sarcelles d’hiver consomment des graines de plantes de zones humides ou de prés salés (graines de scirpes, joncs, soudes, Eleocharis, Carex, riz cultivé), des algues ou herbes aquatiques (Chara par exemple), mais aussi de petits invertébrés aquatiques (crustacés, mollusques) et des larves d’insectes, voire des œufs de poisson. Leur régime alimentaire est plus riche en aliments d’origine animale en été qu’en hiver. Ces sarcelles ont besoin, en moyenne, d’environ 25 grammes (poids sec) de nourriture par jour5.
Elles trouvent leur nourriture sur les zones humides ou faiblement inondées, saumâtres ou douces. Elles s’alimentent souvent dans les eaux présentant moins de 15 cm de fond. Elles filtrent l’eau ou la vase grâce à leur bec, garni de lamelles permettant de retenir les petits organismes et graines dont elles se nourrissent, ou arrachent les herbes tendres. Le bec est capable de filtrer des particules d’une taille inférieure à 0,5 mm, même si les proies de quelques millimètres sont préférées. En période hivernale, les sarcelles d’hiver se rassemblent le jour sur les plans d’eau et se dispersent la nuit pour se nourrir, parcourant alors jusqu’à trente kilomètres. Bien que se nourrissant plutôt la nuit ou au crépuscule, la Sarcelle d’hiver observe, dans les zones où les effets des marées se font sentir, un rythme circadien basé sur ces dernières : elle se reposera à marée haute et se nourrira à marée basse.
Cette sarcelle est assez silencieuse mais les mâles produisent des petits « crrit » aigus mais discrets que les chasseur apprennent à reproduire. Lors de la saison de nidification, les mâles ont tendance à devenir nettement plus bruyants : les sifflements sonores font en effet partie de leur parade nuptiale. Beaucoup de langues (dont de nombreuses langues germaniques comme l’Allemand Krickente, le suédois Kricka) ont formé le nom de cette espèce directement à partir de cette vocalise. Le terme sarcelle, lui aussi, indirectement via une racine latine, dérive d’une onomatopée. On dit que la sarcelle truffle.
Les femelles émettent aussi un rugueux « cuac » d’alarme, ou de rapides et aigus « kekeke ».
La parade nuptiale, spectaculaire, est assez semblable à celle du colvert. Le mâle plonge le bout du bec sous l’eau, puis siffle, se cambre, rejette la tête en arrière, élève les ailes et soulève sa queue. Cette parade peut débuter dès novembre ou au cours de l’hiver ; elle dure plusieurs jours et peut mettre en concurrence plusieurs mâles pour une femelle. Elle se déroule sur l’eau, où les mâles effectuent des séries de plongeons. Si le mâle s’approche trop, la femelle non consentante peut le poursuivre hostilement. La femelle finit par choisir un mâle et l’accouplement suit immédiatement. Le couple sera monogame sur l’année, mais les mâles appariés pourront tenter de s’accoupler avec d’autres femelles, souvent de force, alors que les mâles célibataires ne présenteront pas ce genre de comportement. La femelle et le mâle choisi partiront au printemps vers le site de nidification où la femelle avait pondu l’année précédente, et qui est généralement le lieu de naissance de cette dernière.
La saison de ponte se déroule de mai en Europe centrale à juillet en Russie. Les populations les plus importantes se trouvent essentiellement en Russie, en Scandinavie et au Canada. La femelle construit un nid bien dissimulé dans une végétation dense, souvent sous des fougères ou des ajoncs ou parmi d’épaisses formations de Carex, joncs ou roseaux, parfois assez loin de l’eau. Le nid est garni de duvet que la femelle s’arrache de la poitrine, de feuilles, d’herbes, de brindilles et de fougères. La femelle y pond de 8 à 11 œufs de 41 à 50 × 30 à 35,5 mm, crème ou gris, teintés de vert ou de roussâtre, qui sont couvés par elle durant 21 à 23 jours. La femelle passera les 3⁄4 de son temps à cette activité7 et si elle est dérangée, elle ne quittera le nid qu’au dernier moment. Le mâle l’abandonne pour muer au plus tard dès que naissent les canetons, mais son départ peut survenir dès la ponte. Les sarcelles ne font en général qu’une seule ponte par an, mais en cas de disparition totale, une ponte de remplacement peut se produire. Les oisillons, qui pèsent 15 g à la naissance, sont nidifuges mais sont plus sensibles au froid que les petits des autres Anatidés ; aussi la mère continue-t-elle à les couver. Elle sait également les protéger des prédateurs en attirant leur attention sur elle.
Les canetons commencent à voler après 25 à 30 jours. Ils atteindront la maturité sexuelle vers 180 jours. La longévité de ces sarcelles est de 10 à 15 ans en moyenne, mais peut atteindre plus de 21 ans (le record actuel de longévité en Europe pour cette espèce a été déterminé grâce à la bague portée par un individu abattu à l’âge de 21 ans et 3 mois). L’espérance de vie d’une Sarcelle d’hiver en Camargue, calculée à partir des populations bagués, serait selon ONCFS de 1,4 ans.
Le taux de reproduction varie du simple au double selon les endroits, ainsi une femelle produit 3,7 jeunes volants en Islande contre 1,4 en Grande-Bretagne.
La Sarcelle d’hiver se trouve principalement sur les vasières, marécages, lagunes, estuaires et autres étendues d’eau douce ou saumâtre à faible courant. Elle a une préférence pour les plans d’eau présentant beaucoup de végétation et un fond vaseux, pouvant ainsi pourvoir à son alimentation.
Lors de la saison de nidification, on la rencontrera sur des lacs, mares ou marais à l’intérieur des terres à végétation riparienne bien développée et souvent eutrophes5 ; en hiver, on pourra aussi la voir sur des plans d’eau plus côtiers et saumâtres. Elle quitte alors systématiquement les zones gelées ou enneigée qui limitent ses possibilités d’alimentation.
foto: mihai baciu